Les débuts de l’ KMIITC (de Meiji à l’après-guerre)
Les efforts des précurseurs qui ont favorisé le développement des techniques de brassage du saké à Kyoto et Fushimi
Tout le monde sait que Tokyo est la capitale du Japon toutefois la loi qui l’a officiellement fixé comme « capitale », n’a pas toujours existé. Si l’on en croit le « Dictionnaire sur l’histoire du Japon » d’Iwanami , le château d’Edo devint en 1869 palais impérial et les hauts fonctionnaires furent transférés à Tokyo avant que la ville devint en 1871 la première préfecture du Japon et acquit le statut de capitale. Pourtant il n’y a pas de raison à cela. Aujourd’hui encore, on entend les gens de Kyoto dire en plaisantant que « l’empereur s’est juste rendu à Tokyo et qu’il va bientôt revenir. »
Il reste un fait historique très regrettable. En septembre 1868, l’empereur Meiji a déménagé à Tokyo. Il est revenu temporairement à Kyoto mais en mars 1869, il est reparti à Tokyo pour s’y établir définitivement et n’a plus jamais pensé à revenir dans l’ancienne capitale. Le château d’Edo est devenu la demeure de la famille impériale au grand regret des habitants de Kyoto. Ces derniers croyaient à une époque que leur ville prospèrerait éternellement en tant que capitale. Le fait que l’empereur soit parti sans jamais revenir et que « Tokyo soit devenu capitale» les a profondément affectés. La préfecture qui a été témoin de ce grand désarroi, a promis aux gens de Kyoto que « l’empereur reviendrait l’année suivante » pour tenter d’apaiser leur émoi. En outre une demande d’aide financière pour le redressement économique de la ville fut adressée au gouvernement qui en 1869 prêta 150 000 ryo (ancienne unité monétaire) à la préfecture de Kyoto afin d’aider à son développement.
En 1870, on fit savoir que le retour de l’empereur serait différé. Cela signifiait en réalité qu’il ne reviendrait plus. Les habitants de Kyoto furent de nouveau plongés dans une grande tristesse. Le département fit connaître au gouvernement l’extrême détresse des gens, et en réponse, ce dernier promulga une loi qui exemptait les habitants des frais de location des terrains dans le centre ville. En mars, 50 000 ryo leur furent versés au titre des « fonds pour le développement de l’industrie dans le département de Kyoto» auxquels on ajouta la somme nouvelle de 50 000 ryo au mois d’octobre suivant. Au total, 100 000 ryo furent accordés . Cette somme correspondrait aujourd’hui à 5 milliards de yens. Et elle n’était pas pour le gouvernement local mais bien pour les habitants de Kyoto affectés par le départ de l’empereur.
Le département de Kyoto au motif d’éviter la récession consécutive au transfert de la capitale, promulga des mesures centrées sur l’industrie. Il mit l’importance sur le développement technique et industriel en créant des usines modernes, en introduisant les dernièrs technologies et pour promouvoir la recherche, il mobilisa des fonds importants et rendit nécessaire de nouvelles installations industrielles. Avec les fonds pour le développement de l’industrie octroyés par le gouvernement, il établit successivement des ateliers sous gestion départementale visant à promouvoir le développement industriel.
L’exposition organisée à Kyoto au début de l’ère Meiji contribua à restituer à la ville sa vitalité d’avant mais vers 1880, les ateliers départementaux furent cédés peu à peu à des particuliers. Les maires des arrondissements de Kamigyoku et de Shimogyoku demandèrent au département de ne plus utiliser les fonds pour le développement industriel visant à maintenir les ateliers départementaux mais de les attribuer en argent liquide aux deux arrondissements de Kamigyoku et de Shimogyoku. En 1881, ces fonds leur furent restitués au titre du patrimoine commun aux deux arrondissements. Le 1er avril 1889, ceux-ci fusionnèrent pour former la ville de Kyoto ; Cette dernière utilisa les fonds restitués pour la promotion et le développement de l’industrie locale, notamment pour la tenue de diverses expositions.
Maintenant, tournons-nous vers l’industrie du saké. Dans le Japon de l’époque Meiji, elle constituait un pilier de l’économie. D’après l’ «inventaire des produits départementaux » établi en 1874, le saké est un article manufacturé représentant 16,7% de la production industrielle totale exprimée en valeur monétaire. On comprend bien que le gouvernement Meiji considérant l’impôt sur la consommation du saké au même titre que l’impôt foncier, trouve là une source importante de revenus fiscaux. En 1877 éclate la guerre Seinan qui marque la fin des guerres intérieures et avec elle, la demande en saké augmente. Le nouvel essor des cabarets atteint son apogée en 1880 . A la fin de l’époque Meiji, les impôts sur les boissons alcoolisées constituent le revenu le plus important de l’Etat. C’est pourquoi, le gouvernement protège l’industrie du saké.
Jusqu’à l’époque Edo, le saké était fabriqué à l’aide d’un champignon prélevé sur la levure appartenant à chaque cave mais puisqu’il y avait dans chacune d’elle beaucoup de germes indésirables qui l’altéraient, les produits étaient fréquemment endommagés. Si après avoir investi dans l’achat du riz et payé le personnel, le saké qu’on produisait une fois par an se détériorait, les brasseries risquaient non seulement de faire faillite mais les revenus fiscaux du gouvernement étaient également impactés. C’est pourquoi le ministère des finances réglementa les méthodes et imposa des contrôles. A la demande des professionnels, le laboratoire de recherche sur la fabrication du saké placé sous la dépendance du ministère des finances de Takinogawa à Tokyo, fut mis en place en 1904. La politique de formation en matière de brassage du saké initiée par le gouvernement favorisa les finances de l’Etat et contribua aussi à la modernisation de l’industrie du saké.
Au mois de novembre 1909, Tsunekichi Okura établit à Kyoto-Fushimi l’Institut de recherche Okura sur la fabrication du saké qui fut le premier centre de recherche sur la production du saké, et il recruta son premier ingénieur Hamazaki Hidé diplômé de l’université impériale de Tokyo. A peu près à la même époque, l’association des brasseurs de Fushimi mis sur pied un laboratoire où on recruta plusieurs ingénieurs, ce qui constitua un précédent dans le pays. Le laboratoire ferma en 1913 mais il fut remplacé la même année par la société des brasseurs de Fushimi qui s’occupait de recherche et d’enseignement. Celle-ci organisait une fois par mois des réunions de travail pour tenter de résoudre les difficultés concrètes, planifiait des cours avec les brasseurs, des conférences ou des visites de caves dans les autres régions du Japon. Ces efforts débouchèrent sur des résultats très positifs car la qualité du saké de Fushimi continua de s’améliorer au point qu’il gagna un renom dans le pays. Avec l’essor économique provoqué en 1914 par la première guerre mondiale, à Kyoto, non seulement l’artisanat comme les poteries, les textiles et la teinture devint prospère mais tous les secteurs de l’industrie chimique commencèrent à fleurir. Il fallut alors des organes pour contrôler et mener à bien ces activités et en 1920, l’Institut de recherche sur les industries de la ville de Kyoto lança un service administratif et en juillet 1923 ouvrit une nouvelle annexe à Higashi Kyujosanocho. D’après les annales de l’institut, le service en charge de la fermentation aurait en 1936 initié des tournées de visite auprès des brasseurs.
Après l’incident de Rokokyo en juillet 1937, le Japon se lança dans la guerre sino-japonaise. La même année, la production et le prix de vente du saké furent réglementés. Puis avec la guerre du Pacifique et les bouleversements d’après-guerre, les professionnels vont entrer dans une période de grandes difficultés. En 1943, la guerre s’intensifie, le nombre de caves diminue de moitié, la capacité de production baisse de 50% par rapport aux années passées et les capacités restantes sont pour réponder à la demande de l’armée. A l’époque le « saké poisson rouge » est devenu un mot familier qui circule et qui signifie que le saké est vendu mélangé avec de l’eau. Son degré d’alcool est devenu moindre au point qu’un poisson rouge pourrait y vivre sans craindre de mourir. Pour les habitants de la ville, ce fut une période de souffrance où les produits de nécessité courante et à plus forte raison le saké étaient forcément rationnés.
Le Japon a connu la dureté de la vie puis les bouleversement d’après-guerre et ensuite un renouveau économique dans la période de forte croissance économique. L’Institut de recherche sur les industries de la ville de Kyoto s’est ensuite développé avec la marche et les mouvements de la société.
(Texte: Ayuko Yamaguchi)